Le cap Reinga (NZ), tremplin vers l’éternité

Le vaporetto blogue

Ninety Miles Beach / Te Whāro Oneroa-a-Tōhē  
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Les Humains, peuple d’histoires à l'imagination sans bornes, ont partout mis en récit leur territoire, ils ont vu des dieux pétrifiés dans les rochers, des cicatrices dans les failles des montagnes, des yeux dans les gouffres, des colères dans les orages et les éruptions volcaniques, des princesses dans les astres et mille autres histoires… peut-être pour trouver du sens à leur passage ici-bas et se raconter que celui-ci n’est qu’un court épisode de l’interminable épopée dont ils sont un peu les héros, pour se convaincre qu’il y a un avant et un après. Aussi, certainement, pour apprivoiser la Terre, leur maison originelle… légendes et croyances seraient ainsi la première forme de ce que l’on nomme aujourd’hui l’écologie (littéralement « discours, parole - logos » sur la « maison - oikos »).

En Nouvelle-Zélande / Aotearoa (l’Ile du long nuage blanc) on est frappé par l'omniprésence  des mots de la nature et de la géographie qui caractérisent et nomment le pays : lac (roto/lake), montagne (maunga/mountain), glacier (waiparahoaka/glacier), forêt (ngahengahe/forest), parc (pāka/park), arbre (pua/tree), fleur (putiputi/flower), baie (tāwhangawhanga/bay), plage (tātahi/beach), volcan (rangitoto/vulcano), cap (cape), bras de mer (kokorutanga/sound)… sans oublier la distinction importante entre les terres de l’Ile du Nord (Te Ikaroa-a-Māui / North Island) et celles de l’Ile du Sud (Te Waka-o-Māui/South Island).

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La mer de Tasmanie, depuis le cap Reinga
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En regardant les photos de notre périple néo-zélandais et les images de cette nature à l’indicible beauté, j’ai senti souffler sur ma joue l’air effervescent du cap septentrional de la Terre du Nord, finisterre au bout d’une longue plage blanche, la Ninety Miles Beach  / Te Whāro Oneroa-a-Tōhē ; j’ai revu la fraîcheur des prairies de ce littoral inhabité des hommes, les coquillages parfaits, l’eau si pure de la mer de Tasmanie (à l’ouest) qui rencontre dans un choc permanent et splendide l’océan Pacifique (à l’est). Je me suis souvenue que là haut, perchée sur le rocher qui domine le cap, les yeux rivés sur le sable brillant et blanc, fascinée par le contraste avec le bleu marin, j’ai été heureuse, portée à ce moment-là par la conscience de faire partie de cette splendeur inouïe et infinie qui s’ouvrait devant moi, par le vent doux et puissant qui me rendait un peu oiseau… c’est peut-être cela l’éternité.

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Coquillages de la côte nord 
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C’est en respirant cet air-ci, en le vivant de l’intérieur, que j’ai pu comprendre pourquoi cet endroit précis, le cap Reinga, tient une place centrale dans la spiritualité Māorie.  Tout d’abord comme lieu de rencontre fertile et puissant entre Te Moana-a-Rehua, « la mer de Rehua », entité masculine et dieu stellaire et Te Tai-o-Whitirea, « la mer de Whitireia », entité féminine.


La rencontre des eaux (mer de Tasmanie - océan Pacifique) ©levaporettoblogue.blogspot.com

Mais « Reinga » en langue māorie, c’est aussi le monde sous-terrain, le monde d’au-dessous (« the underworld »). Ce lieu, découvert et nommé par la figure mythique de Kupe, grand navigateur māori, est aussi appelé « Te Rerenga Wairua », que l’on pourrait traduire par « le tremplin des esprits » (je traduis). 

C’est en cet endroit précis de l’île du long nuage blanc que les esprits des Māoris défunts, après un voyage sur les ailes du vent, prennent le chemin du monde d’en-dessous en se glissant à l’intérieur d’un très ancien « pohutukawa », arbre vénéré. Puis, ils entreprennent un voyage sous-marin vers les Manawa Tāwhi ou Three Kings Islands (« îles des Trois Rois ») pour émerger avec force, bondir vers le point le plus haut de ces îles et atteindre, dans un dernier saut, un dernier souffle, la terre légendaire et originelle des peuples polynésiens, Hawaiiki-A-Nui.

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Carcasse de poisson
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Sources: 
- Site du gouvernement néo-zélandais, Department of Conservation